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REVENIR EN BATEAU

 

A Michel C.

 

A la fin des années cinquante

A moins que ma mémoire ne mente

Je me souviens du vieux rafiot

Faisant Philippeville Ajaccio

Où en cabine nous faisions somme

Tandis que Mémé économe

Préférait la quatrième classe

Dans le fond de la cale sans glace

 

Si ce n'est voir quelques dauphins

Le voyage paraissait sans fin

Alors pendant la traversée

Nous descendions pour converser

Avec mes grands parents allongés

Sur des chaises longues usagées

Au milieu de leurs congénères

Qui parlaient tous corse en concert

 

A l'arrivée nous descendions

Sur une passerelle en procession

Puis attendions le long du quai

Que la voiture soit débarquée

Cela durait de longues heures

Mais qui étaient hautes en couleurs

Car arrimées dans un harnais

Une à une les autos venaient

 

Un peu comme un cornet surprise

On guettait notre 4 CV grise

C'était vraiment la loterie

Et souvent s'entendaient les cris

De propriétaires énervés

De voir leur voiture dépravée

Une fois les cordes ont lâché

Et une pauvre Dauphine fut lynchée

 

Et puis vinrent les années soixante

Où nous avions une P60

Mais je vous parlerai d'abord

De ce qui m'a marqué si fort

Le rapatriement d'Algérie

Avec mon oncle tout attendri

Au mois de mars mes frères et moi

Laissant nos parents aux abois

 

Il avait fallu plusieurs jours

Car on devait attendre son tour

Pour embarquer sur ce bateau

Qui ressemblait à un cargo

Je me rappelle de cette couchette

D'où je suis tombé que c'est bête

Et de mon premier mal de mer

Quand de grandes vagues nous malmenèrent

 

Sur le premier Napoléon

Le premier à porter ce nom

Les autos pouvaient pénétrer

Par une trappe sur le côté

C'était une vraie révolution

L'embarquement était moins long

Mais comme elles n'entraient qu'une par une

Cela pouvait durer des lunes

 

Nous prenions notre mal en patience

Et attendions plein d'insouciance

Dans des salles bondées et bruyantes

Les traversées étaient très lentes

Avec comme seule occupation

Des palets gris que nous lancions

Dans des carrés tracés en blanc

Sur un pont vert soumis aux vents

 

Au début des années soixante dix

Il fut enfin mis en service

Des car-ferries plus efficaces

Afin que les voitures y passent

L'arrière de ces bateaux s'ouvrait

Chacun son tour on s'engouffrait

Dans le garage les passagers

Comme ils le pouvaient s'extirpaient

De leurs autos bien trop serrées

 

Quand je voyageais sans parent

Pour retrouver l'île que j'aime tant

Je m'installais dans les cordages

Avec d'autres jeunes de mon âge

Pour éviter d'être trempé

Par les embruns ou la rosée

Je devais mettre mon anorak

Avec comme oreiller mon sac

 

Je fis même l'inauguration

Un jour du bateau Roussillon

Les quatrièmes avaient disparu

Et le confort était accru

J'avais donc pour installation

Un coin de moquette comme solution

De nouveaux stabilisateurs

Diminuaient les maux de cœur

 

Puis vinrent les années quatre-vingt

Avec des navires presque divins

Ils devenaient climatisés

Il nous était même proposé

Des restaurants un cinéma

Des bars et des cafétérias

Un dancing et une piscine

Des magasins et des vitrines

 

Depuis les bateaux ont grossi

Et bien sûr leurs tarifs aussi

Et même s'il existe deux compagnies

Toutes les deux ont pris la manie

De nous faire payer le prix fort

Malgré les aides qui tombent encore

Comme elles embarquent plus de voitures

Trouver des places devient moins dur

 

Dans les années quatre vingt dix

Des bateaux oublient leurs hélices

Propulsés par des hydrojets

Ils sont surnommés NGV

Mais ces navires à grande vitesse

Ont vraiment de réelles faiblesses

Dès que survient le mauvais temps

Ou qu'une baleine les surprend

 

Le Napoléon Bonaparte

Est un bateau dont la beauté

Permet aux touristes de rêver

Qu'ils ont eu des places réservées

Pour une belle croisière aux Antilles

S'il est le navire des familles

Sa grande taille n'est pas adaptée

En dehors des mois de l'été

 

Mais l'avenir me semble celui

Des cruise-ferries car ils allient

Confort et puis rapidité

Puisqu'ils sont munis d'hydrojets

Sans oublier les cargos mixtes

Car sur les lignes où ils existent

Ils nous proposent un compromis

Quand on aime voyager la nuit

 

08/03/05

 

 

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